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Portrait de Jean Racine (1639-1699)

Biographie de Jean Racine (1639-1699)


1. Enfance et éducation de Jean Racine

Jean Racine, naquit à la Ferté-Milon le 21 décembre 1639 de Jean Racine, contrôleur du grenier à sel de cette ville, et de Jeanne Sconin, fille d'un procureur du roi aux eaux et forêts de Villers-cotterêts. Sa famille, anoblie par l'acquisition d'une charge, avait un cygne dans ses armoiries; et certes, jamais armes parlantes ne se trouvèrent mieux justifiées. Orphelin de père et de mère à l'âge de trois ans, il passa sous la tutelle de son aïeul paternel, nommé aussi Jean Racine, qui légua, peu de temps après, cette tutelle à sa veuve. Il étudia d'abord à Beauvais, puis à Paris au collège d'Harcourt, puis enfin à Port-Royal des Champs, où s'étaient alors retirés, pour se dévouer à Dieu et l'instruction de la jeunesse, l'avocat Lemaître, le docteur Hamon, Nicole, Sacy, Lancelot, auteurs de la « Logique », de la « Grammaire générale » et d'autres ouvrages classiques, connus sous le titre de « Méthodes de Port-Royal ». Lancelot se chargea particulièrement d'enseigner le grec au jeune Racine. Avec le goût des bonnes lettres et des études sérieuses, ces immortels solitaires inspirèrent à leur élève ces principes religieux qui ne l'abandonnèrent jamais, et dont s'honorèrent comme lui, sans exception, tous les grands écrivains, tous les grands hommes du grand siècle. La docilité de Racine envers ses maîtres égalait son ardeur pour l'étude. Il se montra pourtant indocile une fois. On lui avait ôté des mains le roman grec de «  Théagène et Chariclée »; il s'en procura un autre exemplaire et l'apprit par coeur; puis le remettant à Lancelot, il lui dit : « Vous pouvez brûler encore celui-là ». On excusa sans peine une désobéissance d'un genre si nouveau : on n'avait pas à craindre qu'elle eût beaucoup d'imitateurs.

2. Début de carrière de Jean Racine

Son premier essai poétique fut la « Nymphe de la Seine  », ode qu'il composa pour le mariage de Louis XIV, et qui l'ayant fait connaître de Chapelain, arbitre passager des réputations littéraires et des grâces de la cour, lui valut cent louis comptant que Colbert lui envoya de la part du roi. Il reçut peu après une pension de six cents livres. Quatre ans plus tard, vers la fin de 1663, une autre ode, la « Renommée aux Muses », composée à l'occasion de l'établissement des trois académies, lui mérita une seconde gratification royale, dont l'ordre était énoncé avec cette grâce qui accompagnait toujours les bienfaits des Bourbons. Cette ode, inférieure à la première, fut cependant plus heureuse. Récompensée comme l'autre par le roi, elle eut le bonheur d'être critiquée par Boileau. Le poète désira remercier le critique, et ce fut là l'origine de cette liaison intime, si honorable, si utile à Racine, et qui ne fut pas un des moindres avantages que la fortune lui donna sur Corneille. Un peu avant cette époque, Racine avait connu Molière; il lui avait communiqué une tragédie de « Théagène et Chariclée », tirée du roman pour lequel il s'était tant passionné à Port-Royal. Molière, n'en ayant point été content, lui donna le plan de «  la Thébaïde , ou les Frères ennemis », sujet sur lequel on assure qu'il s'était exercé lui-même. Cette pièce eut quelque succès. « Alexandre », joué l'année suivante (1663), réussit complètement et montra de grands progrès dans la versification de l'auteur, alors âgé de vingt-cinq ans; mais hors les vers, rien dans ces deux ouvrages n'annonçait encore Racine. C'étaient deux faibles imitations de Corneille, dont, par un malheur assez ordinaire aux imitateurs, Racine n'avait pris que les défauts, c'est-à-dire la galanterie froide mêlée à l'héroïsme, les maximes oiseuses, les raisonnements métaphysiques et la déclamation. Corneille, à qui Racine lut son « Alexandre », lui conseilla, dit-on, de ne plus faire de tragédies. Le même conseil fut donné depuis à Voltaire par Fontenelle, après la lecture de « Brutus ». Il est heureux pour les lettres que ces conseils n'aient point été suivis. Voltaire y répondit en donnant « Zaïre »; Racine en donnant « Andromaque ».

3. Le temps du succès

Engagé jusque-là dans une mauvaise route, Racine en prit tout à coup une différente, inconnue peut-être à Corneille lui-même. Celui-ci avait étonné, enlevé le spectateur; son jeune rival chercha à l'émouvoir et à l'attendrit. La pitié lui parut un ressort plus actif, plus étendu, d'un effet pénétrant et moins passager que l'admiration. Il étudia le coeur humain, ses passions, ses faiblesses, ses replis les plus secrets. C'est là qu'il découvrit un genre de tragédie tout nouveau, dont il offrit le premier et probablement l'inimitable modèle dans son « Andromaque », celle de toutes ses tragédies qui, sans être la plus parfaite, produit le plus d'effet au théâtre par l'expression énergique et vraie des sentiments et des caractère, et par l'heureuse alternative de crainte et d'espérance, de terreur et de pitié, dont le poète sait agiter nos âmes. La représentation « d'Andromaque » (1667) fut suivie, presque chaque année, d'un nouveau chef-d'oeuvre. Mais Racine surprit d'abord le public par une excursion dans le domaine de Molière. « Les plaideurs », imité « des Guêpes » d'Aristophane, sont une comédie d'une intrigue un peu faible; mais que de naturel, de vérité, de facilité, de gaieté ! Quelle foule de vers devenus proverbes ! Mal accueillie d'abord à Paris (1668), la pièce réussit fort bien à Versailles. Les comédiens, tout joyeux du succès, vinrent, à leur retour, réveiller Racine au milieu de la nuit pour lui apprendre cette bonne nouvelle. Le bruit des voitures, à cette heure, dans la rue des Marais, fit croire aux voisins, et le lendemain à tout Paris, que la justice s'était vengée de l'auteur des « Plaideurs » en le faisant mettre à la Bastille. Cette plaisante méprise et la connaissance qu'on eût bientôt du suffrage du monarque ramenèrent à la comédie de Racine le bon peuple de Paris; et depuis ce temps, la pièce est en possession de faire rire la justice elle-même. Il n'est pas vrai que les « Plaideurs » soient de plusieurs mains. Racine a pu recevoir de ses amis le motif de quelques scènes et emprunter à quelques hommes de palais quelques formules, quelques expressions étrangères à ses études habituelles; mais l'ensemble, mais le tissu du style est trop parfait pour n'être pas d'un seul et même écrivain. Le succès « d'Andromaque », qui n'était comparable qu'à celui du « Cid », avait éveillé l'envie : peut-être aussi avait-il rendu le public plus difficile. « Britannicus » fut reçu froidement (1669) et se traîna péniblement jusqu'à la huitième représentation. On ne sentit point d'abord tout ce qu'avait de vrai, de profond, de terrible, ce tableau historique du caractère de la cour de Néron. Boileau, presque seul, en fut frappé; et courant embrasser Racine, il lui cria devant tout le monde : « Voilà ce que vous avez fait de mieux ». Ce grand critique ne fut pas seulement utile à Racine en le louant; sa sévérité le servit mieux en lui faisant supprimer deux scènes qui déparaient l'ouvrage : l'une entre Burrhus et Narcisse, au commencement du troisième acte; l'autre, qui ramenait Junie, au cinquième, en présence de Néron. Louis Racine, dont on apprend chaque jour à lire les mémoires avec plus défiance, parce qu'il ne les a écrits que sur des ouï-dire, rapporte que « ces vers de la dernière scène du quatrième acte : Pour toute ambition, pour vertu singulière, / Il excelle à conduire un char dans la carrière, / A se donner lui-même en spectacle aux Romains, / firent une vive impression sur Louis XIV, qui crut y voir une censure de sa conduite, et que dès ce moment, il quitta l'habitude où il était de figurer dans les ballets qui se donnaient à la cour. » Il est très possible que Louis XIV ait réfléchi à propos de ces vers, sur le peu de dignité qu'il y avait à danser en public; mais qu'il les ait crus dirigés contre lui, et surtout que Racine ait jamais eu la pensée de les lui appliquer, c'est ce qui est contraire à toute vraisemblance. Ces vers sont si naturellement placés dans la bouche de Narcisse, ils sont si conformes à l'histoire, ils vont si directement au but de la scène, il était si impossible qu'ils ne s'y trouvassent pas, qu'il serait superflu de supposer au poète d'autres intentions que des intentions purement dramatiques, quand même il ne serait pas ridicule et odieux d'imaginer qu'il ait songé le moins du monde à Louis XIV en parlant de Néron. A « Britannicus » succéda « Bérénice ». Ce fut à la sollicitation de la célèbre Henriette d'Angleterre, belle soeur du roi, que Racine et Corneille traitèrent tous deux, et à l'insu l'un de l'autre, ce sujet si peu fait pour la scène. Outre le plaisir de voir lutter ensemble deux illustres rivaux, la princesse s'en promettait secrètement un autre dans la peinture de la séparation héroïque des deux augustes amants. Trois mots de Suétone : « invitus invitam dimissit », voilà tout le fonds de la pièce; fonds bien léger, que Boileau, s'il n'eût été absent, n'aurait pas laissé exploiter à son ami; travail ingrat, dont Corneille vieilli ne prévit pas le danger, beaucoup plus grand encore pour lui que pour Racine. Les deux « Bérénice » furent représentées sur la fin de 1670; celle de Corneille au Palais-Royal par la troupe de Molière; celle de Racine à l'hôtel de Bourgogne. Corneille tomba; Racine eut trente représentations de suite, honorées des larmes de la cour et de la ville. Le grand Condé répondit un jour par ces deux vers de la pièce aux critiques qu'on en faisait devant lui : / Depuis cinq ans entiers chaque je la voie, / Et crois toujours la voir pour la première fois / On a dit, et de très zélés admirateurs de Racine ont avoué, que « Bérénice » n'était pas une véritable tragédie. Tragédie ou drame, qu'importe le titre qu'on lui donne, pourvu que l'on convienne que c'est un miracle de l'art qu'il n'y a jamais eu, dans aucune pièce, un plus grand mérite de difficulté vaincue ? Quant au style, écoutons comme en parle l'auteur de « Zaïre » : « Voilà, sans doute, la plus faible des tragédies de Racine qui sont restées au théâtre : ce n'est pas même un tragédie; mais que de beautés de détail ! Et quel charme inexprimable règne presque toujours dans la diction ! Pardonnons à Corneille de n'avoir jamais connu ni cette pureté, ni cette élégance; mais comment se peut-il faire que personne depuis Racine n'ait approché de ce style enchanteur ? » Que sous les noms de « Roxane » et de « Bajazet », Racine ait eu l'intention de peindre la reine Christine de Suède immolant, par jalousie, son favori Monaldeschi, en 1657, dans une galerie de Fontainebleau, ou qu'il ait simplement voulu, comme il le dit, transporter sur le théâtre les scènes tragiques, alors presque inconnues, qui s'étaient passées au sérail en 1638, cela est tout à fait indifférent au mérite de la pièce. Mais cela ne fut probablement pas étranger au succès de vogue qu'elle obtint (1672). La nouveauté des moeurs et des costumes dut aussi piquer beaucoup la curiosité de spectateurs habitués à ne voir presque toujours sur la scène que des Grecs et des Romains. Voilà pour la multitude. Les connaisseurs, et Boileau à leur tête, admirent la force de la passion de « Roxane », l'intrépidité calme d'Acomas; et ce sont ces deux véritables créations qui feront vire à jamais « Bajazet », malgré ses défauts. Segrais raconte que Corneille, placé près de lui à la première représentation, lui dit tout bas : « Les habits sont à la turque, mais les caractères sont à la française; je ne le dis qu'à vous pour qu'on n'aille pas croire que j'en parle par jalousie. » Non, personne ne l'aurait cru : non, Corneille pouvait faire hautement ce reproche aux caractères de « Bajazet » et « d'Atalide »; il était trop juste pour l'étendre aux autres personnages. Boileau trouva le style de cette tragédie négligé. La sentence est sévère. Mais il jugeait Bajazet par comparaison avec les autres pièces de son ami; et puis c'était Boileau. « Mithridate », représenté pour la première fois en 1673, est, suivant La harpe, l'ouvrage « où Racine paraît avoir voulu lutter de plus près contre Corneille, en mettant sur la scène les grands personnages de l'antiquité, tels qu'ils sont dans l'histoire. » Il semble que ce désir de lutter, si tant est que Racine n'ait eu, s'était déjà manifesté dans « Britannicus », avec non moins d'éclat, et que les admirables figures d'Agrippine et de Néron méritent d'être placées auprès des personnages historiques les mieux peints par Corneille, tout aussi bien au moins que Mithridate. Quoi qu'il en soit, le théâtre de Corneille offre peu de caractères plus grandement tracés que le Mithridate de Racine. On a reproché toutefois à ce poète d'avoir fait son héros amoureux et jaloux. Corneille aussi a souvent commis une pareille faute, qui était un sacrifice au goût du temps. Mais, ici, que cette faute est heureuse ! Elle nous a valu Monime, le rôle le plus parfait, le plus touchant du théâtre de Racine, et par conséquent de la scène française. Voltaire a dit que l'intrigue de Mithridate n'était autre chose que l'intrigue de l'Avare. On aurait pu lui répondre que l'intrigue de Zaïre n'était autre chose aussi que l'intrigue de Nanine. Mais qu'est-ce que cela prouve contre les deux tragédies, si des moyens de comédie y sont traités noblement, tragiquement, et de manière à exciter l'intérêt et la terreur ? « J'avoue, dit Voltaire, que je regarde Iphigénie (1674) comme le chef-d'oeuvre de la scène. Veut-on de la grandeur ? On la trouve dans Achille, mais telle qu'il la faut au théâtre, nécessaire, passionnée, sans enflure, sans déclamation. Veut-on de la vraie politique ? Tout le rôle d'Ulysse en est plein, et c'est une politique parfaite, uniquement fondée sur l'amour du bien public; elle est adroite, elle est noble, elle ne discute point; elle augmente la terreur. Clytemnestre est le modèle du grand pathétique; Iphigénie, celui de la simplicité noble et intéressante; Agamemnon est tel qu'il doit être; et quel style ! C'est là le vrai sublime ». C'est à propos de cette pièce que l'auteur de Mérope s'écrie d'ailleurs : « O tragédie des tragédies ! Beauté de tous les temps et de tous les pays ! Malheur au barbare qui ne sent pas ton prodigieux mérite ! »

4. Attaques, controverses et revers

Il y eut, pour le tourment de Racine, un assez grand nombre de ces barbares, lors de l'apparition de ce chef d'oeuvre (Iphigénie), auquel pourtant une foule immense courait et pleurait chaque jour. On ne se contenta pas de la critiquer amèrement et sous plusieurs formes. On voulut lui opposer une autre Iphigénie; celle-ci fut jouée quatre ou cinq fois : donnée d'abord sous le nom de Coras, elle fut revendiquée par Leclerc, très indigne confrère de Racine à l'Académie française. Coras, Leclerc et leur Iphigénie ne sont connus aujourd'hui que par l'épigramme de Racine : « Entre Leclerc et son ami Coras, etc. ». L'Iphigénie de Racine était réservée, dans le 18e siècle, à un plus sanglant outrage. Un Luneau de Boisjermain, un Dixmerie, conçurent l'idée de substituer à l'admirable récit d'Ulysse, un dénouement en action; et l'auteur de la comédie de « l'Oracle et l'Arlequin au sérail », se chargea intrépidement, en 1769, de refaire le cinquième acte d'après le plan de ces réformateur : il retrancha cent vers; il en fit ou refit une douzaine. Ce sacrilège fut sifflé, et le chef-d'oeuvre de Racine resta imparfait.... comme auparavant. Trois ans s'écoulèrent entre Iphigénie et Phèdre (1677). Les critiques, dont l'une de ces tragédies avait été l'objet, n'étaient qu'un faible essai des persécutions qu'on préparait à l'autre; le duc de Nevers et la duchesse de Bouillon, neveu et nièce du cardinal de Mazarin, ennemis de Racine, on ne sait pourquoi, se déclarèrent d'avance sans pudeur les chefs d'une cabale odieuse et ridicule. Tout fut mis en oeuvre pour faire tomber la Phèdre de Racine et pour faire aller aux nues la Phèdre de Pradon, qui fut jouée trois jours après sur le théâtre de la rue Guénégaud. On a peine à le croire, malgré le témoignage de Boileau, transmis par Louis Racine : toutes les premières loges des deux théâtres avaient été louées par cette cabale pour plusieurs représentations; elles furent remplies pour Pradon et laissées vides pour Racine, de façon que sa pièce parut être jouée dans le désert; cette manoeuvre coûta à leurs auteurs une petite fortune; et, ce qu'il y a de plus incroyable, elle réussit pendant quelque temps pour tromper le public et pour donner à Pradon toutes les apparences du triomphe. Il est fâcheux pour la mémoire de madame Deshoulières que son nom ait figuré parmi les chefs d'une si scandaleuse intrigue; on sait que, soupant avec le triomphateur, le soir même de la première représentation, elle composa ce sonnet que nous n'osons citer en entier, par un reste d'égards pour elle : «  Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême, / Dit des vers où d'abord personne n'entend rien, etc. ». On attribua d'abord ce sonnet au duc de Nevers. Des amis indiscrets, voulant venger Racine, répondirent par un sonnet très injurieux sur les mêmes rimes, que le duc imputa à Racine et à Boileau, et auquel il répliqua par un troisième sonnet et par des menaces personnelles contre ces deux poètes. Il fallut toute l'autorité du prince de Condé pour mettre fin à la querelle. Madame Deshoulières, véritable auteur du premier sonnet, fut seule punie et le fut sévèrement, quoique longtemps après, car tout Paris la reconnut dans ces vers de la dixième satire de Boileau : « C'est une précieuse, / Reste de ces esprits jadis si renommés, / Que, d'un coup de son art, Molière a diffamés, etc. ». La reprise de Phèdre, qui eut lieu au bout d'un an, mit les deux pièces à leur place. Mais cette réparation tardive ne put consoler Racine; elle fut d'ailleurs empoisonnée par de nouvelles indignités de ses ennemis, qui publièrent une édition fautive de la pièce et substituèrent aux plus beaux vers des vers de leur façon, ridicules ou plats; tant il est vrai qu'il n'y a rien de plus méchant que les méchants auteurs, et rien de pire en fait de populace que le bas peuple de la littérature. L'auteur de Phèdre, dégoûté du théâtre, y renonça à l'âge de 38 ans, c'est à dire dans toute la force et la maturité de son génie. Ce ne fut qu'après un silence de douze années que, à la manière de madame de Maintenon, Racine composa son Esther, pour être jouée non sur la scène française, mais dans la maison de Saint-Cyr. Le succès fut prodigieux (20 janvier 1689). « Le roi, dit madame de la Fayette , n'y mena pour la première fois que les principaux officiers qui le suivaient à la chasse. La seconde fut consacrée aux personnes pieuses, telles que le Père Lachaise et douze ou quinze jésuites. Ensuite, elle se répandit aux courtisans, etc. ». L'honneur d'y assister devint l'ambition de tous. Madame de Sévigné y fut admise; et l'on sait avec quel enthousiasme elle en parle dans ses lettres. Le théâtre en France, et plus particulièrement à la cour, est un éternel sujet d'applications et d'allusions. Les spectateurs en trouvent souvent là même où l'auteur n'en a pas prévu. Il faut donc en général se défier de tous les récits faits sur ces matières. Il est toutefois assez constant que, dans cette pièce, Racine eut en vue quelques allusions, ou du moins qu'il ne protesta point contre celles qui furent faites. Madame de Maintenon se reconnut avec plaisir dans Esther, et tous ses amis ne manquèrent pas de voir madame de Montespan dans l'altière Vasthi. Les chansons du temps qui, comme on l'a dit ingénieusement, formaient en France une sorte de contrepoids et de tempérament au pouvoir absolu, donneraient même à penser que le ministre Louvois et la révocation de l'édit de Nantes étaient signalés dans Aman surprenant au roi Assuérus l'édit de proscription des Juifs. Mais cette hardiesse est peu vraisemblable; et il faudrait, pour y ajouter foi, des pièces historiques plus graves que des chansons. Athalie, composée pour Saint-Cyr comme Esther, eut un sort bien différent. L'envie, masquée d'un faux zèle, en empêcha la représentation. Elle fut jouée seulement deux fois à Versailles dans une chambre, sans théâtre, sans costumes, par les demoiselles de Saint-Cyr. Racine ne lui ayant point donné d'autre destination, la fit imprimer. Mais, O injustice scandaleuse et vraiment inexplicable ! Ce chef-d'oeuvre, au dessus duquel il n'y a rien, ni chez les anciens ni chez les modernes, ne trouva point de lecteurs ! Que dis-je ? S'il faut en croire certains mémoires du temps, dans quelques sociétés de soi-disant beaux esprits, on en prescrivait la lecture pour pénitence, tant les jugements des contemporains sont souvent bizarres ou passionnés ! On ne saurait en vérité se défendre d'une affliction profonde en songeant que Racine est mort avec le chagrin de voir son siècle méconnaître cette oeuvre immortelle. En vain Arnauld, du fond de son exil, soutenait par son beau suffrage son ancien élève découragé; en vain Boileau lui répétait : « C'est votre meilleur ouvrage, le public y reviendra »; peu s'en fallut que Racine ne crût avoir survécu à son génie, comme Pierre Corneille. La voix de Boileau, si bien entendue de la postérité, ne fut point écoutée du vivant de son ami. Le succès d'Athalie, composé en 1691, ne commença qu'en 1716; mais depuis ce temps il s'est accru et propagé chaque jour; et s'il augmente encore, on trouvera bientôt que Voltaire n'en a pas dit assez quand il a proclamé « Athalie l'ouvrage le plus approchant de la perfection qui soit jamais sorti de la main des hommes ». Cette seconde iniquité du public envers Racine, en rouvrant la plaie de la première, mit le comble à ses dégoûts et le décida tout à fait à quitter la carrière du théâtre, beaucoup plus sans doute que les autres motifs qu'on lui a prêtés. Les sentiments religieux qu'il puisa dans sa famille et dans l'exemple de ses maîtres se fortifièrent avec l'âge; mais ils étaient, ce semble, assez vifs dès sa jeunesse pour le faire renoncer plutôt encore qu'il ne l'a fait à des travaux qu'il aurait cru incompatibles avec la vie chrétienne; et, en supposant que sa dévotion, qui d'ailleurs était douce et tolérante comme celle de Fénelon, l'eût empêché de traiter des sujets de tragédie profane, combien de sujets sacrés n'aurait-il pas pu mettre sur la scène ! Combien de chefs-d'oeuvre utiles à la religion même n'aurait-il pas pu joindre aux chefs d'oeuvre d'Esther et d'Athalie ! Disons le franchement, ceux qui s'obstinent le plus à attribuer à la religion la retraite prématurée de Racine, ne sont peut-être pas fâchés d'avoir petit reproche à lui faire, et de pouvoir en conclure qu'elle rétrécit l'esprit et étouffe le génie. C'étaient en effet des esprits singulièrement rétrécis que le grand Corneille, Pascal, Bossuet, Fénelon et Despréaux ! Et comment s'étonner que le ressentiment d'une grande injustice ait suffi pour éloigner Racine du théâtre quand on sait, quand il a lui même avoué que « la plus mauvaise critique lui faisait plus de peine que les plus grands succès ne lui faisaient de plaisir ? » C'est une faiblesse, dira-t-on; mais peut-être est-elle inséparable de cette sensibilité ardente qui seule produit de grandes choses. Ne reprochons pas si légèrement aux hommes de génie des défauts qui peuvent avoir été la source de leur talent. Molière, dira-t-on encore, n'a point eu cette faiblesse. Mais, de bonne foi, a-t-il été mis à de pareilles épreuves ? Peut-on comparer le froid accueil fait aux premières représentations de l'Avare, des Femmes savantes et du Misanthrope à la rage aveugle et stupide qui, après s'être essayée contre Iphigénie à l'aide de Leclerc, après avoir, pendant un an, fait triompher la Phèdre de Pradon, se déchaîne contre Athalie et parvient à en faire oublier la lecture ? Racine ne pouvait être lu ! Qui peut affirmer que Molière, dont le style n'avait pourtant la perfection de celui de Racine, aurait supporté sans amertume un pareil affront ? Qui sait même si le peu de succès de trois de ses chefs-d'oeuvre n'aurait pas suffi pour le dégoûter aussi du théâtre sans la nécessité où il était d'y demeurer pour faire vivre sa troupe et pour vivre lui-même ? En n'attribuant qu'à des motifs temporels la retraite de Racine, il ne faut pas disconvenir toutefois que c'est à partir de la disgrâce de Phèdre que sa conduite privée devint ce qu'elle resta pendant toute sa vie, c'est à dire d'une régularité exemplaire. Non qu'auparavant il eût jamais manqué dans ses actions de cette décence inséparable du bon goût dans ses écrits; mais, en se détachant du théâtre, il renonça naturellement aux distractions et aux liaisons tant soit peu périlleuses qu'il y avait trouvées.

5. Jean Racine, pieux et historiographe du roi

La piété dans laquelle il avait été élevé se réveilla facilement dans son coeur, et lui offrit dans ses chagrins des consolations que le genre de monde qu'il quittait ne pouvait lui donner. On assure même qu'il songea un moment à se consacrer tout à fait à Dieu en embrassant la vie monastique. La réflexion lui fit préférer des chaînes plus légères. Il se maria en 1677 à la fille d'un trésorier de France d'Amiens. Il fit un bon choix et fut heureux. Ce fut même cette année que le roi nomma Racine et Boileau historiographes de France. Au retour de la campagne qui fut si courte et si glorieuse, le roi leur dit : « Je suis fâché que vous ne soyez pas venus avec moi; vous auriez vu la guerre, et votre voyage n'eût pas été long. - Votre Majesté, lui répondit Racine, ne nous a pas donné le temps de faire faire nos habits. » Boileau, dont la prose assez négligée se serait élevée difficilement peut-être à la dignité historique, eut sans doute une très petite part à l'histoire du roi. Racine, qui s'en occupa beaucoup, ne put la terminer. On sait que l'ouvrage, interrompu à sa mort, périt à Saint-Cloud dans l'incendie de la maison de Valincourt, son successeur, le 13 janvier 1726. On sait aujourd'hui que Valincourt, voyant le manuscrit près d'être consumé, donna vingt louis à un savoyard pour aller le chercher au travers des flammes, et que celui-ci lui rapporta un recueil de gazettes de France. Il était assurément difficile que l'histoire du roi, lue au roi lui-même à mesure qu'elle avançait, ne ressemblât pas un peu à un panégyrique; mais nous avouerons que cette réflexion ne nous paraît point, comme à La harpe, devoir diminuer nos regrets, à en juger uniquement par le « Précis historique des campagnes de 1672 à 1678 », seule partie de l'ouvrage qui, ayant été confiée par Valincourt à l'abbé de Vatry avant l'incendie, n'ait pas été la proie des flammes. Le style de ce Précis, faussement attribué d'abord à Pellisson, est élégant et simple : la narration en est claire, rapide et animée, et la louange n'y est point donnée aux dépens de la vérité. - Quelques esprits indépendants, à qui peut-être il n'a manqué pour être des flatteurs que des souverains qui voulussent écouter leurs flatteries, ont reproché à Racine, ainsi qu'à Molière et à Despréaux, d'avoir trop fréquenté la cour et d'avoir consacré leurs travaux à l'éloge de Louis XIV et à ses plaisirs. Eh ! Où donc est le crime d'avoir recherché souvent l'entretien d'un prince qui comblait à la fois le mérite et de distinctions et de largesses; qui, au milieu des pénibles soins du trône, disait Boileau : « Souvenez-vous que j'aurai toujours une demi heure à vous donner. » Où est le crime d'avoir loué un monarque que ses plus cruels ennemis ont jugé louable à tant d'égards; dont les travaux ont à jamais illustré la France ; qui a donné son nom à son siècle; dont les plaisirs même avaient un caractère de grandeur et nous ont valu Esther, Athalie, le Tartuffe, le Bourgeois gentilhomme et tous les chefs-d'oeuvre des Quinault, des Lulli, des Lebrun, des Mansard et des Girardon ? - Louis XIV se plut à prodiguer à Racine les gratifications et les faveurs; il le fit trésorier de la généralité de Moulins et gentilhomme ordinaire; il lui accorda les entrées et un appartement au château; il le nomma plusieurs fois des voyages de Marly; il l'admit fréquemment dans son intimité, lors même qu'il ne recevait aucun de ses courtisans. Il trouvait sa conversation si remplie d'agrément, que, durant une maladie, il le fit coucher dans une chambre voisine de la sienne, afin de le voir plus souvent. Racine alors lui servit de lecteur, et lui lut un jour Plutarque dans la version d'Amyot, en substituant habilement le langage moderne aux expressions gauloises que le roi n'aimait pas. - Comme la faveur dont Louis XIV honorait le premier de nos poètes n'était ni le fruit du caprice, ni le prix d'une basse adulation, elle se soutint longtemps. Une circonstance imprévue vint malheureusement l'affaiblir. C'était en 1697. Dans un de ces entretiens intimes que madame de Maintenon accordait souvent à Racine, la conversation ayant eu pour objet la misère du peuple épuisé par de longues guerres, cette femme célèbre pria le poète de rédiger ses idées en forme de mémoire, promettant que l'écrit ne sortirait pas de ses mains. Racine y consentit, non point par une complaisance de courtisan, et bien moins encore dans aucune vue ambitieuse (la conduite de toute sa vie repousse cette accusation), mais dans l'unique dessein d'être utile. Le roi surprit ce mémoire et le nom de l'auteur fut révélé. Peut-être la leçon était un peu trop directe, puisque Louis s'en offensa. « J'aime beaucoup, disait un jour ce prince à un prédicateur qui l'avait apostrophé personnellement, j'aime beaucoup, mon mère, à prendre ma part d'un sermon, mais je n'aime pas qu'on me la fasse ». Louis XIV avait-il besoin d'ailleurs qu'on lui exposât si vivement la misère du peuple, lui qui, bien que victorieux de tous côtés, venait, dit Torcy, « de précipiter la paix de Ryswick par le seul besoin de soulager le royaume ? » Mais peut-être aussi (et cette conjecture est la plus vraisemblable), le roi fut-il blessé seulement de voir un homme de lettres, sortant de la sphère exclusivement assignée alors à chaque profession vouloir se mêler des affaires du gouvernement. Voici, en effet, quelles furent ses paroles : « Parce qu'il fait bien des vers croirait-il tout savoir ? Et, parce qu'il est grand poète, prétend-il être ministre ? » Si l'on se reporte à ce qu'était alors l'état social, aux usages, aux convenances, aux devoirs particuliers à chaque classe et à chaque individu, on conçoit que la sévérité du roi dut paraître toute naturelle, mais qu'elle doit nous sembler barbare, à nous qui, dans notre siècle de lumières, avons vu non seulement des poètes qui n'étaient pas des Racine, mais jusqu'à des histrions, s'arroger le droit de régenter leur souverain, et, pour comble de civilisation, se constituer les arbitres de sa couronne et de sa vie ! Quel qu'ait été le motif de l'humeur de Louis contre Racine, elle ne fut que passagère; son estime et sa bienveillance ne l'abandonnèrent point, Racine ne cessa pas de le voir. Durant sa dernière maladie, le roi se fit donner chaque jour de ses nouvelles avec un intérêt touchant; et ses bienfaits le suivirent au delà du tombeau. Il n'est donc pas exact de dire que ce fut une disgrâce, et encore moins que cette disgrâce ait causé sa mort. Mais on ne peut nier que le chagrin d'avoir pu déplaire un moment à son roi et à son bienfaiteur n'ait contribué à augmenter le mal dangereux dont il était atteint depuis plusieurs années.

6. Qualités, défauts et caractère de Jean Racine

On a reproché à Racine d'être trop enclin à la raillerie; et Boileau lui-même eut à s'en plaindre quelquefois. Un jour qu'il raillait trop vivement et depuis trop longtemps son ami, celui-ci dit enfin : « Aviez-vous envie de me fâcher ? - Dieu m'en garde ! - Eh bien, vous avez donc tort, car vous m'avez fâché ». Quoique son coeur n'eût aucune part à ce penchant de son esprit, il fit, pour s'en corriger, de nobles et heureux efforts sur lui-même. Quand la charité chrétienne ne le lui aurait pas ordonné, Racine avait trop bon goût, il avait l'âme trop élevée pour ne pas sentir que, si la raillerie a ses dangers entre des égaux, elle est, à l'égard de nos inférieurs quelconques, un abus de la force qui ressemble à de la lâcheté, comme un acte de violence envers un homme désarmé. Les épigrammes échappées à sa jeunesse son piquantes et d'une malice très fine; mais elles sont gaies, sans fiel et en fort petit nombre. On ne peut guère trouver à redire qu'à celles contre d'Olone et Créqui. Son fils aîné lui en ayant un jour envoyé une contre Perrault : « Je voudrais, lui écrivit Racine, que vous ne l'eussiez point faire. Outre qu'elle est assez médiocre, je ne saurais trop vous recommander de ne point vous laisser aller à la tentation de faire des vers français; surtout il n'en faut faire contre personne. » Il y a dans toutes ses lettres à son fils, un caractère de tendresse, de simplicité, de bonté et d'indulgence qui émeut et qui attache. Quoi de plus touchant que celle où il lui dit : « Je n'ai osé demander à M. l'ambassadeur si vous pensiez un peu au bon Dieu, et j'ai eu peu que la réponse ne fût pas telle que je l'aurais souhaité; mais enfin, je veux me flatter que, faisant votre possible pour devenir un parfait honnête homme, vous concevrez qu'on ne le peut être sans rendre Dieu ce qu'on lui doit. Vous connaissez la religion; je puis même dire que vous la connaissez belle et noble comme elle est, et il n'est pas possible que vous ne l'aimiez... Pour moi, plus je vais en avant, plus je trouve qu'il n'y a rien de si doux au monde que le repos de la conscience et de regarder Dieu comme un père qui ne nous manquera pas dans tous nos besoins. M. Despréaux, que vous aimez tant, est plus que jamais dans ces sentiments, etc... » Les lettres de Racine à ses amis sont naturelles, faciles, élégantes. Il y a parfois des traits de force. En voici un à propos de la mort de M. de Saint-Laurent, précepteur du duc de Chartres, qui fut depuis régent. « Il a été emporté, dit-il, d'un seul accès de colique néphrétique. Je ne crois pas qu'excepté Madame, on en soit fort affligé au Palais-Royal : les voilà bien débarrassés d'un homme de bien. » On ne peut se dispenser, en lisant ce qui nous est resté de cette correspondance de Racine avec sa famille et avec ses meilleurs amis, de remarquer combien le ton en est généralement peu familier. Dans un volume entier de lettres, on ne trouve pas une seule trace de tutoiement. L'amitié alors était grave : elle semblait un devoir plus encore qu'un plaisir. Racine eut pour amis les écrivains les plus célèbres de son temps, Bourdaloue, Nicole, La Fontaine , Boileau, etc. On regrette de ne pouvoir aussi nommer Molière. Il n'est que trop vrai qu'il rendit à Racine, dans les commencements de leur liaison, des services qui semblaient devoir en assurer la durée : que cependant elle dura peu, et que Racine eut les premiers torts qui amenèrent une rupture, en retirant son Alexandre du théâtre de Molière pour le donner à l'hôtel de Bourgogne. Mais ces torts étaient-ils bien sérieux ? Si Molière, directeur de comédie, pouvait les juger tels, Molière, auteur dramatique, n'aurait-il pas dû les excuser ? Au reste, ce refroidissement, peu raisonnable de l'une et de l'autre part, ne dégénéra jamais en hostilité ni même en secrète inimitié. Racine et Molière s'estimèrent toujours. Noblement armés l'un pour l'autre, Racine défendit le Misanthrope et Molière Les Plaideurs, contre un public ignorant ou prévenu. Les hommes supérieurs, même sans être unis, se rendent réciproquement justice; la médiocrité seule est jalouse. Cette vérité suffirait pour justifier Corneille et Racine du soupçon de jalousie mutuelle dont on a osé flétrir leur mémoire. Ajoutons seulement, en ce qui regarde Racine, qu'il avait un trop grand génie pour ne pas sentir toute la grandeur de celui de Corneille et qu'il l'a loué trop éloquemment pour qu'on pût l'accuser de n'être pas sincère. Il ne faut pas, dira-t-on, prendre toujours au mot les éloges académiques; soit; mais si l'on peut croire Racine, ayant à louer publiquement Pierre Corneille mort le jour de la réception (et par conséquent en présence) de Thomas Corneille son frère et son successeur, ne pouvait, sans manquer à toutes les convenances, se dispenser d'exalter son mérite; du moins ne saurait-on récuser l'éloge volontaire qu'il faisait de lui en particulier dans ses conversations avec son fils où, développant à celui-ci les beautés du Cid et d'Horace, il lui disait : «  Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les miens ». On fait à Racine un reproche plus grave et dont il est plus difficile de le justifier. Nicole, dans une réponse au visionnaire Desmarets, avait traité les poètes dramatiques « d'empoisonneurs publics et de gens horribles aux yeux des chrétiens ». Cette injure grossière et blâmable, même à l'égard de Desmarets, ne pouvait assurément regarder en aucune façon le jeune auteur des Frères ennemis et d'Alexandre. Il se l'appliqua cependant et publia contre Port-Royal, contre ses anciens maîtres cette fameuse lettre : « A l'auteur des hérésies imaginaires », qu'il eut le malheur d'écrire avec un talent digne de Pascal. « Les molinistes, dit J.-B. Racine, y battirent des mains et furent charmés d'avoir enfin trouvé ce qu'ils cherchaient depuis longtemps et si inutilement, c'est à dire un homme dont il pussent opposer la plume à celle de l'auteur des Provinciales. » Provoqué par deux réponses très vives de Dubois et de Barbier-d'Aucourt, Racine allait répliquer par la publication d'une seconde lettre plus piquante encore que la première. Les conseils de Boileau, ou plutôt son bon naturel et le regret d'avoir manqué aux instituteurs de sa jeunesse, le décidèrent à ne point l'imprimer. Il retira même tous les exemplaires de la première qu'il put trouver. Il avait commis une grande faute sans doute; mais combien la réparation fut plus grande encore ! De quel respect, de quel attendrissement se ne sent-on point saisi quand on se représente Racine se faisant conduire par Boileau chez Arnaud, et se précipitant aux pieds de celui-ci en présence de vingt témoins; Arnaud se jetant à son tout aux pieds de Racine et tous deux s'embrassant en frères, en amis, en chrétiens ! Le souvenir de cette faute pesait encore sur son coeur longtemps après. L'abbé Tallemant s'avisant un jour de la lui reprocher en plein Académie : « Oui, monsieur, lui répondit Racine avec une noble humilité, vous avez raison, c'est l'endroit le plus honteux de ma vie, et je donnerais tout mon sang pour l'effacer ». Ces faits répondent suffisamment aux biographes inconsidérés, malveillants ou mal instruits qui ont accusé Racine d'avoir eu un amour-propre excessif. S'il eût eu ce défaut, aurait-il été si docile à la critique ? Aurait-il, sans le remercier il est vrai, mais aussi sans se fâcher suivi jusqu'aux conseils de Subligny ? Parmi les auteurs dramatiques de nos jours les plus modestes, combien y en a-t-il qui profiteraient des avis donnés dans une parodie ? Ne serait-ce point à une petite rancune de Baron que Racine a dû cette accusation de vanité ? On sait que ces comédien insistant un jour, sans aucune espèce de mesure, auprès de Racine sur quelques observations concernant un de ses rôles : « Baron, lui dit le poète, je vous ai fait venir pour vous donner des instructions et non pour en recevoir », et l'on sait aussi que messieurs les comédiens sont sujets à prendre pour un amour-propre excessif la dignité d'un homme de lettres qui sait garder son rang. - Racine était naturellement mélancolique avec lui-même, quoique fort doux avec les autres. Il avait l'âme tendre; il recherchait les émotions tristes ou religieuses plutôt que celles de la joie. Il était généraux, et savait se conserver les moyens de l'être par beaucoup d'ordre et d'économie. Il aidait de ses secours beaucoup de parents éloignés; il avait un soin tout filial de sa nourrice et ne l'oublia point dans son testament. Parmi les amis qu'il s'était faits dans le monde, un de ceux qui lui paraissaient le plus attaché, c'était le chevalier de Poignant, si connu par son duel avec son ami Lafontaine. Poignant annonça longtemps d'avance qu'il le ferait son héritier, et tint parole. Mais à sa mort, tout le bien se trouva mangé. Racine n'en acquitta pas moins avec zèle et reconnaissance les frais de maladie et de sépulture du magnifique testateur. Nul ne fut meilleur époux et plus tendre père. L'éducation chrétienne de ses enfants était sa grande affaire. Il faisait chaque jour la prière en commun avec sa femme, ses enfants et ses domestiques. Il leur lisait et leur expliquait l'Evangile.

7. Les dix dernières années de Jean Racine

Dans les dix dernières années de sa vie, tous ses plaisirs, tout son bonheur était concentré dans ses affections domestiques. Il n'allait même plus à la cour que pour les devoirs de sa charge et pour les intérêts de sa famille; et cependant, combien n'avait-il pas de moyens d'y plaire et de s'y faire aimer : une belle et noble figure, des manières gracieuses, tous les charmes de l'esprit, tout l'éclat de la renommée, unis à l'art heureux de les faire oublier ! Soixante ans après les représentations d'Esther à Saint-Cyr, les dames qui en avaient été témoins parlaient encore de lui avec attendrissement et disaient à Louis Racine : « Vous êtes fils d'un homme qui avait un grand génie et une grande simplicité ». Il avait en effet, enchanté tout le monde, plus encore par l'aménité et la grâce des instructions qu'il donnait aux jeunes demoiselles de Saint-Cyr que par son talent même pour la déclamation; et ce talent il le possédait au plus haut degré. Aucun homme de son temps ne lisait et ne récitait mieux que lui. Un jour chez Boileau, dans sa maison d'Auteuil, lisant et traduisant d'abondance l'Oedipe de Sophocle, il fit verser des larmes à tous les assistants. Il enseigna à Baron et à Champmêlé un système de déclamation plus conforme à la nature et au bon goût, ou, pour mieux dire, il leur apprit à parler et non à déclamer. - Comment un homme doué de tant de qualités naturelles ou acquises a-t-il eu des ennemis ? Cette question pourrait paraître par trop ingénue, et nous ne la ferons point. Mais comment ces inimitiés lui ont-elles survécu pendant plus d'un demi siècle ? C'est ce qu'on ne peut guère expliquer que par l'extrême influence de Fontenelle sur la littérature du XVIIème siècle. Fontenelle, neveu de Corneille, et à ce titre disposé à défendre et à maintenir la prééminence de son oncle sur ses rivaux, fût-ce aux dépens de la justice et de la vérité; Fontenelle haïssait personnellement acine depuis l'épigramme qui avait immortalisé sa tragédie d'Aspar. Sa rancune dura soixante ans (cela est un peu long pour un philosophe) : elle lui inspira cette odieuse et absurde épigramme où l'auteur d'Esther est traité de « suppôt de Lucifer ». Elle se manifesta de toutes les manières et dans toutes les occasions, sans se lasser jamais et sans avoir à craindre la férule de Boileau qui n'était plus. Enfin elle parvint à retarder pour Racine le jour de la justice. Grâces soient rendues à Voltaire, qui s'indigna de cette iniquité et qui, tant que la passion de l'irréligion ne vint pas fasciner ses yeux et fausser son goût exquis, proclama dans tous ses écrits comme dans tous ses entretiens l'inimitable perfection de Racine. Si Racine n'a pas, comme Corneille, joui de son vivant de tout l'éclat de sa gloire, il faut plaindre ses contemporains. Pour lui, il s'était depuis longtemps consolé dans le sein de Dieu de l'injustice des hommes. Il poussait l'indifférence pour ses ouvrages jusqu'à refuser de revoir les éditions qu'en faisaient les libraires; et l'auteur de tant de chefs d'oeuvres, uniquement occupé en mourant de l'immortalité de son âme, ne songea pas même à celle de son nom. Sa fin, qui eut lieu le 22 avril 1699, fut douloureuse et d'une intrépidité toute chrétienne. Il voulut être enterré à Port-Royal aux pieds du docteur Hamon, afin de n'être plus séparé, même par la mort, de ses anciens instituteurs. Après la destruction de ce monastère, on transporta (en 1711) ses restes à Paris, dans l'église de Saint-Etienne du Mont, où ils furent placés à côté de Pascal. Le marbre tumulaire de celui-ci, enlevé pendant la Révolution a été rétabli à la Restauration. La tombe de Racine, beaucoup moins apparente, déposée depuis longtemps dans une église de village (à Magny-Lessart), y fut retrouvée en 1808. Le tombeau de Racine est maintenant au cimetière du Père-Lachaise.

8. L'oeuvre de Jean Racine

Outre les ouvrages qui ont été évoques ci-dessus, il en est encore quelques-uns qu'il ne nous est pas permis de passer sous silence; de ce nombre sont : 1° « L'Abrégé de l'histoire de Port-Royal », composé en 1693. C 'est à la fois un monument de la reconnaissance de Racine pour cette maison et une preuve de plus de son talent pour écrire l'histoire. Boileau le regardait comme un morceau de beaucoup de mérite; toutefois, il est aujourd'hui peu lu. 2° « Les cantiques spirituels », composés pour la maison de Saint-Cyr en 1694; c'est la dernière production poétique de Racine; c'est le chant du cygne. Ils sont remplis de grâce et d'onction; Fénelon n'en parlait qu'avec enthousiasme. Le sujet du troisième cantique est la « Plainte d'un chrétien sur les contrariétés qu'il éprouve au dedans de lui-même ». - Les discours académiques qui nous restent de Racine se réduisent à deux : l'un, que nous avons déjà cité, pour la réception de Thomas Corneille; l'autre pour la réception de l'abbé Colbert. Il est à remarquer que l'abbé Colbert, reçu à l'Académie à l'âge de vingt-quatre ans, ayant eu à haranguer le roi, quelque temps après, au nom du clergé (en 1685), pria Racine de lui faire sa harangue; aussi se trouve-t-elle dans les oeuvres de ce poète. Quant au discours que prononça Racine pour sa propre réception, il n'a jamais été imprimé; il paraît qu'il avait eu peu de succès, et que Fléchier, reçu le même jour que lui (le 12 janvier 1673), avait eu tous les honneurs de la journée. Racine eut de quoi se consoler de ce petit échec, dans la même semaine, par le succès de sa tragédie de Mithridate. - Tout a été dit sur les ouvrages et le talent de Racine. On proposait un jour à Voltaire de faire un commentaire de ce grand poète, comme il en avait fait un de Corneille. « Il y a, répondit-il, qu'à mettre au bas de toutes les pages, beau, pathétique, harmonieux, admirable, sublime ! » Cette réponse n'a pas empêché une foule d'écrivains plus ou moins recommandables de commenter Racine, et leurs travaux sont loin d'avoir été inutiles. Quoi de plus propre à arrêter le progrès du mauvais goût que de faire sentir tout le charme du bon ? Or telle est la perfection de Racine qu'il n'y a peut-être pas, dans toutes ses pièces, nous ne disons point une seule scène, mais un seul vers qui puisse être remplacé par un autre. Tout y est juste et vrai; tout y est rempli de cette poésie d'images et de sentiments, de cette élégance continue, que, depuis les Grecs, Virgile et lui ont seuls possédée, et qui est d'autant plus admirable dans acine qu'il avait pour instrument une langue moins riche, moins harmonieuse, moins flexible et bien plus timide que celle de Virgile. C'est surtout dans Esther, dans Athalie, et particulièrement dans les choeurs de ces deux tragédies, qu'appuyé sur le plus sublime des modèles, il est presque toujours sublime lui-même. C'est là que Racine a toute l'élévation d'un prophète hébreu qui, empruntant et embellissant notre langue, viendrait nous annoncer des vérités divines dans des vers presque divins. Mais ce qui caractérise principalement Racine, c'est l'union complète et peut-être unique de deux qualités qui semblent incompatibles, de l'imagination la plus brillante et de la raison la plus parfaite qui fut jamais, de la sensibilité la plu exquise avec le bon sens le plus invariable. La raison en effet, autant et plus encore peut-être que l'imagination, domine dans la conception de ses oeuvres les plus touchantes, dans l'exécution de ses scènes les plus dramatiques, dans le choix même de ses expressions les plus riches, de ses tours les plus elliptiques, de ses alliances de mots les plus hardies. Boileau, que plusieurs critiques ont surnommé le poète de la raison, Boileau lui-même n'est pas, sous ce point de vue, supérieur à Racine; et d'ailleurs, cette qualité nous étonne moins en lui parce qu'elle est accompagnée d'une imagination beaucoup moins vive. On a souvent proclamé Racine le plus grand des poètes français : il faudrait aussi le proclamer le plus raisonnable; ou plutôt, n'est ce pas précisément parce qu'il a été le plus raisonnable qu'il a été le plus grand ? - Indépendamment des ouvrages cités dans le cours de cet article, on attribue à Racine la traduction (au moins pour un tiers) du « Banquet » de Platon, publié par d'Olivet, Paris, 1732, in-12. Le reste de cette traduction est de madame de Rochechouart, abbesse de Fontevrault. Quelques passages de la correspondance de Racine avec Boileau donnent lieu de croire qu'il est l'auteur de « l'Epitaphe du chancelier Le Tellier » et de celle de mademoiselle de Lamoignon, pièces que Piganiol a insérées dans sa « Description de Paris ». « L'Abrégé de l'histoire de Port-Royal », composé vers 1695, et même, dit-on, à la sollicitation de l'archevêque de Paris, ne fut imprimé en entier qu'en 1767; la première partie seulement avait paru en 1742. Son éloge fut mis au concours en 1772 par l'académie de Marseille. Son portait gravé par A. Pierron et joint à l'édition de ses oeuvres, donnée en 1807, par G. Garnier, en 7 volumes in-8°, avec le commentaire de La harpe, ne paraît pas authentique. Le portrait gravé in-folio par Edelinck, en 1699, paraît donner le type exact de Racine. M. Jacobé possède un tableau original du grand poète peint par Hyacinthe Rigaud et gravé par Desrochers.

9. Les éditions des oeuvres de Jean Racine

Les éditions originales de nos classiques, autrefois fort délaissées, sont aujourd'hui recherchées avec le plus vif empressement, et celles de Racine ont acquis une grande valeur. On a payé jusqu'à trois cent soixante francs, en vente publique, la première édition collective publiée en 1675 à Paris, chez J. Ribou, et qui ne contient que neuf pièces. L'édition de Barbin, 1676, est également fort chère, ainsi que celle de 1697, en 2 volumes in-12, la dernière qui ait paru du vivant de l'auteur. Les éditions originales et séparées des diverses pièces figurent parmi les livrets les plus en faveur auprès des bibliomanes, et il est facile de comprendre qu'il est malaisé de les rencontrer en bon état. Leur prix dans les ventes publiques va toujours en s'élevant. A la vente Giraud on les a payés de 120 à 160 francs; « Les Plaideurs », dont la rareté est extrême, ont été poussées à 216 francs. Il n'entre pas dans notre plan d'entrer dans des détails étendus à l'égard des éditions si multipliées qu'a obtenues le théâtre de Racine; nous dirons seulement que celle publiée à Amsterdam, en 1678, et qu'on joint à la collection elzévirienne, est très recherchée des bibliophiles. Cette d'Amsterdam, 1743, 3 vol. in-12, avec des figures gravées par Tanjé, et celle de Paris, 1740, 3 volumes in-4°, sont assez belles. L'édition de Paris, 1768, 7 vol. in-8°, se recommande par les jolies gravures de Gravelot, bien plus que par le commentaire de Luneau de Boisjermain, qui est fort médiocre. Les Didot ont imprimé plusieurs fois Racine, d'abord en 1783, 3 vol. gr. in-4 (édition faisant partie de la collection pour l'éducation du Dauphin); ensuite en 1786, vol. gr. in-8°; enfin en l'an 9, 3 volumes gr. In-folio, magnifiquement imprimés, avec 57 gravures exécutées par d'habiles artistes d'après les dessins de Girard, de Girodet, de Prudhon et d'autres peintres moins renommés. Une édition de Paris, 1807, 7 vol. in-8° contient un commentaire de La harpe, oeuvre posthume un peu indigeste.

 

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Le Paysage ou les Promenades de Port-Royal des Champs, 1655

Ode à la nymphe de la Seine, 1660

Ode sur la convalescence du Roi, 1663

La Renommée aux Muses, 1663

La Thébaïde ou les frères ennemis, 1664

Alexandre le Grand, 1655

Première lettre à l'auteur des Imaginaires, 1666

Andromaque, 1667

Les Plaideurs, 1668

Britannicus, 1669

Bérénice, 1670

Bajazet, 1672

Mithridate, 1673

Iphihénie en Aulide, 1674

Phèdre, 1677

Discours pour la reception de M. l'abbé Colbert, 1678

Discours pour la reception de MM. de Corneille et Bergeret, 1684

Hymnes traduites du Bréviaire romain, 1688

Esther, 1689

Athalie, 1691

Relation de ce qui s'est passé au siège de Namur, 1692

Cantiques spirituels, 1694

Epigrammes (posthumes) , 1722

Seconde lettre à l'auteur des Imaginaires (posthume), 1722

Précis historique des campagnes de Louis XIV depuis 1672 jusqu'en 1678 (posthume), 1730

Abrégé de l'histoire de Port-Royal (Posthume), première partie, 1742; deuxième partie, 1767

Lettres (posthumes), 1747

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