Jean Massard, graveur en taille-douce, né en 1740 à Belesme (département de l'Orne), semblait destiné à la vie obscure d'un laboureur, quand, trouvant l'occasion de se rendre à Paris avec un de ses parents, il se hâta de la saisir. Arrivé dans cette capitale, il s'y plaça chez un libraire qui employait à l'embellissement de ses éditions beaucoup de graveurs en vignettes. La vue de ces petites estampes, que le talent spirituel et fin des Cochin et des Aliamet avaient alors mises à la mode, inspira au jeune Massard le désir d'étudier les arts du dessin. Ce ne fut pas sous d'habiles maîtres qu'il apprit à manier le crayon : il s'y exerça de lui-même avec une admirable persévérance, et, après avoir reçu quelques leçons d'un graveur médiocre nommé Martinet, il travailla avec succès aux nombreuses vignettes dont celui-ci avait l'entreprise. Mais ce genre d'occupation, quoique assez lucratif, ne pouvait convenir longtemps à un jeune artiste qui avait le sentiment du beau, et . Massard eut bientôt l'heureux courage d'entreprendre, pour son propre compte, des travaux plus dignes de lui. Les estampes de la Famille de Charles Ier et de La plus belle des mères, d'après Van Dyck, le placèrent, dès son début, au rang de ses plus célèbres émules, les Strange, les Wille, les Porporati. Il grava ensuite avec une égale habileté plusieurs tableaux de Greuze, entre autres la Mère bien-aimée, la Dame bienfaisante, la Cruche cassée, la Vertu chancelante, et quelques années après, il mit le sceau à sa réputation par la Mort de Socrate, d'après un des plus beaux tableaux de David. On ignore pourquoi un artiste dont le burin avait produit des ouvrages si remarquables et que l'ancienne académie de peinture avait admis dans son sein sous le règne de Louis XVI ne fut pas nommé membre de l'Institut en 1796, époque où ce corps, crée par la convention nationale, reçut sa première organisation. On suppose que les opinions religieuses de cet homme modeste et sans ambition lui avaient nui dans l'opinion des gouvernants. Il ne fut pas d'ailleurs le seul académicien en réputation qui éprouvât cette injustice : les ex-conventionnels Sieyès et Lakanal entrèrent des premiers à l'Institut, et ni Delille ni Marmontel n'y furent alors appelés. Les évènements de 1814 ayant permis à J. Massard de reprendre le titre de graveur du roi, qu'il avait avant la révolution, ce vieillard crut devoir le mériter de nouveau par des marques de son attachement à la famille royale. Ce fut dans cette intention qu'il fit paraître les portraits de Louis XVIII, de Monsieur, comte d'Artois, et de l'empereur Alexandre, qui avait si puissamment contribué au retour des Bourbons en France. Grâce à une santé robuste, il put continuer ses travaux jusqu'à un âge très avancé, et, sans une chute grave qu'il fit un jour, au sortir de la messe, il aurait probablement prolongé son existence au delà de l'année 1822, qui fut celle de sa mort. Aux ouvrages de J. Massard, que nous avons cités, il faut ajouter Adam et Eve, d'après Cignani; Agar et Abraham, d'après Girardon; Eriyone, d'après Miéris, le Ravissement de Saint-Paul, d'après Raphaël, et enfin un certain nombre de portraits dont Van Dyck et Rembrandt lui avaient fourni les modèles. Cet artiste, qui dans ses travaux, employait hardiment l'eau-forte, sans jamais abuser de ce moyen expéditif, joignait à la correction du dessin une riche variété de tailles, toujours appropriées à la nature des objets, et il possédait à un très haut degré le sentiment de la couleur. C'est par cette dernière qu'il se distingue des autres graveurs de son temps, qui attachaient plus de prix à l'éclat du burin qu'à la vérité de l'imitation.
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