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Portrait d'Alain René Lesage (1668-1747)

Biographie d'Alain René Le Sage (1668-1747)


Enfance, éducation et débuts dans la vie de Le Sage

Alain René Le Sage, romancier et auteur de théâtre, a été négligé par les biographes, au point que l'année et le lieu de sa naissance et de sa mort ont longtemps été des sujets d'incertitude et de contradiction; que son origine, la profession de ses parents, l'époque de son mariage, ont été absolument ignorées, et que l'on n'a guère mieux connu les noms et la destinée de ses enfants. L'intérêt que nous a semblé mériter la mémoire de Le Sage, et l'exactitude scrupuleuse dont nous nous sommes imposé l'obligation, nous ont déterminés à faire sur sa personne, sa famille et ses ouvrages des recherches qui n'ont pas été infructueuses. Unique fruit du mariage de Claude Le Sage et de demoiselle Jeanne Brenugat, Alain-René naquit le 8 mai 1668 à Sargeau, petite ville de la presqu'île de Rhuys, à quatre lieues de Vannes. Son père, avocat, notaire et greffier de la cour royale de Rhuys, était réputé riche dans un pays où la simplicité des moeurs exclut les besoins et les jouissances du luxe. Mais Le Sage, ayant perdu sa mère en 1677 et son père en 1682, resta sous la tutelle d'un oncle qui laissa dépérir la fortune de son pupille. Placé au collège des jésuites de Vannes, il y fit d'excellentes études; sa vie offre ensuite une lacune de cinq à six ans. C'est probablement dans cet intervalle qu'il fut employé dans les fermes en Bretagne. On ignore par quel motif et à quelle époque il perdit un poste si peu convenable à ses goûts et à son caractère. S'il eut à se plaindre d'une injustice, comme on le pense généralement, la haine qu'il en conçut contre les traitants laissa dans son coeur de profondes racines, et dicta l'éclatante vengeance qu'il en tira quinze ans plus tard. Le Sage vint à Paris en 1692, dans le double but d'y faire sa philosophie et son droit, et d'y postuler un nouvel emploi. Avec une figure agréable, une taille avantageuse, beaucoup d'esprit naturel et un goût exquis pour la belle littérature, il fut bientôt répandu et recherché dans les meilleures sociétés. Il eut, dit-on, une intrigue avec une femme de qualité, qui lui offrit sa main et sa fortune; mais cette aventure n'eut ni éclat ni suite, et l'on ignore jusqu'au nom de la personne qui en fut l'héroïne. Il est certain d'ailleurs que vers le même temps Le Sage devint amoureux d'une très jolie personne, plus aimable que riche, nommée Marie-Elisabeth Huyard, fille d'un bourgeois de Paris, qui demeurait sur la paroisse de Saint-Barthélemy en la Cité , et non d'un maître menuisier, rue de la Mortellerie (comme l'ont dit ses biographes). Le 17 août 1694, il obtint de l'archevêque de Paris une dispense de publication de bans; mais son mariage fut célébré seulement le 28 septembre suivant dans l'église de Saint-Sulpice.

La carrière littéraire d'Alain René Le Sage

Si l'amour et l'hymen ne purent détourner Le Sage de son penchant pour les lettres, une circonstance qui fait honneur à son coeur, c'est que l'amitié influa beaucoup sur ses travaux littéraires. Danchet, avec lequel il s'était intiment lié à l'université de Paris, lui conseilla de traduire les « Lettres galantes d'Aristenète », et se chargea de les faire imprimer à Chartres, où il était alors professeur de rhétorique. Cet ouvrage fait d'après une version latine, parut en 1695, 1 volume in-12, sous l'indication de Rotterdam, et fut aussi froidement accueilli des savants que des gens du monde. Fixé désormais dans la capitale, Le Sage s'était fait recevoir avocat au parlement; il n'en prenait déjà plus le titre à la naissance de son second fils, en 1698, et ne se qualifiait que bourgeois de Paris. Quoiqu'il eût beaucoup d'amis, comme il n'était ni intriguant, ni pressant dans ses sollicitations, il vécut quelque temps dans un état au-dessous de la médiocrité, avant d'obtenir un emploi peu lucratif, auquel il renonça bientôt pour se consacrer entièrement aux Muses. Le maréchal de Villars, qui connaissait son mérite, voulut inutilement se l'attacher : Le Sage résista aux propositions les plus flatteuses, et préféra toujours son indépendance. Privé des faveurs de la fortune, il en fut dédommagé par la sincère et constante amitié d'un homme puissant. L'abbé de Lyonne ne se borna pas à le combler de présents et à lui assurer une rentre de six cents livres : passionné pour la langue espagnole, il l'apprit à son ami, et lui fit goûter les beautés de la littérature castillane. Trois comédies en cinq actes, « Le Traître puni », de don Francesco de Roxas, « Don Félix de Mendoce », de Lopez de Vega, et « Le Point d'honneur », du même Roxas, furent les premiers ouvrages que Le Sage traduisit ou plutôt imita de l'espagnol. Les deux premières pièces, non représentées, furent imprimées en 1700, et la troisième, jouée avec peu de succès au Théâtre-Français le 3 février 1702, réduite depuis en trois actes par l'auteur, et donnée en 1725 au Théâtre-Italien, sous le titre de « l'Arbitre des différends », avec un prologue, n'y obtint que deux représentations, et fut imprimée en 1739 sous son premier titre. Le Sage publia, de 1704 à 1706, les « Nouvelles aventures de don Quichotte », traduites d'Avellaneda, 2 vol. in-12, qui ne réussirent pas mieux que l'original espagnol du froid continuateur de Cervantès. L'année 1707 assura enfin à Le Sage un nom dans la littérature en lui procurant un double triomphe, d'autant plus flatteur qu'il fut précédé d'une chute. Sa comédie de « Don César Ursin », imitée de Calderon et applaudie à la cour, tomba au Théâtre-Français le 15 mars, et ne fut imprimée qu'en 1739; tandis que la petite pièce de « Crispin rival de son maître », qui n'avait paru aux courtisans qu'une misérable farce, était jouée à Paris avec le plus brillant succès. Le Sage, qui connaissait l'esprit et les moeurs des deux aéropages, ne s'étonna pas de la contradiction de leurs arrêts, et la postérité a confirmé celui de la ville. Regnard suivant Palissot, n'a rien produit de plus gai que la jolie pièce de « Crispin Rival », dont Laharpe semble avoir fait trop peu de cas. Elle ne roule véritablement que sur une fourberie de valets; mais la vérité du dialogue, qualité qui distingue éminemment Le Sage et qui le rapproche le plus de Molière, le sel des plaisanteries toujours amenées par le sujets, l'heureux enchaînement et la rapidité des scènes, provoquent le rire et entraînent le spectateur.

Le Diable Boiteux et Turcaret

Peu de temps après parut « Le Diable boiteux », imprimé en 1707, dont Le Sage a pris le nom et l'idée dans « El Diablo cojuelo », de Louis Velez de Guevara. Cet ouvrage est la satire de tous les états. Quoique le merveilleux qui en fait le fond ne donne lieu qu'à des récits épisodiques, cependant la diversité des aventures, une critique vive et ingénieuse, la vérité des portraits, un style nerveux et correct, des anecdotes piquantes, relatives à quelques contemporains, entre autres, celles qui ont trait à Ninon, à Baron, au mariage de Dufresny, ont conservé à ce roman une réputation méritée. Il eut dans le temps une vogue prodigieuse, et occasionna un duel entre deux jeunes seigneurs qui se disputaient le dernier exemplaire de la seconde édition. Dix-neuf ans après, Le Sage en donna une troisième, augmentée d'un volume, pour lequel il dit avoir emprunté des vers et quelques images à Francesco Santos, auteur de « Dia y noche de Madrid »; en 1737, il publia la quatrième édition, à laquelle il ajouta « l'Entretien des cheminées de Madrid », et « les Béquilles du Diable Boiteux », opuscules dont l'un est une suite du roman et l'autre (par l'abbé Borderon) en est l'éloge. Il avait présenté aux comédiens une pièce en un acte, intitulée « Les Etrennes », pour être jouée le 1er janvier 1708 : sur leur refus, il la refit en cinq actes, sous le titre de « Turcaret »; mais il eut moins de peine à la faire recevoir qu'à la faire représenter. Cette comédie, l'un des plus beaux titres de gloire de l'auteur, parut à une époque où les malheurs et les besoins de la France avaient multiplié les traitants et les maltôtiers, dont les noms abolis par l'usage et devenus presque injurieux ont été remplacés par ceux de fournisseur et d'agioteur, qui ne sont guère plus honorables. Voulant signaler sa haine contre ces vampires, Le Sage avait lu sa pièce dans plusieurs sociétés. Le bruit des applaudissements qu'elle y avait obtenus alarma les financiers. Ils cabalèrent parmi les actrices pour empêcher la représentation de la satire la plus amère à la fois et la plus gaie qui ait été dirigée contre eux. La duchesse de Bouillon, qui tenait chez elle un bureau d'esprit, promit sa protection à l'auteur, et lui fit demander une lecture de sa pièce. Au jour convenu, Le Sage, retenu au palais par le jugement d'un procès important qu'il eut le malheur de perdre, ne put être exact au rendez-vous. En entrant chez la princesse, il raconte sa disgrâce et se confond en excuses. On le reçoit avec hauteur, on lui reproche aigrement d'avoir fait perdre deux heures à la compagnie. « Madame, dit Le Sage avec autant de sang-froid que de dignité, je vous ai fait perdre deux heures, il est juste de vous les faire regagner : je n'aurai point l'honneur de vous lire ma pièce ». On s'efforça de le retenir, on courut après lui, mais il ne voulut ni rentrer ni remettre les pieds dans cet hôtel. A un grand caractère, avantage qui accompagne toujours le vrai talent, Le Sage joignait une âme fière et désintéressée. Les financiers lui offrirent cent mille francs pour l'engager à retirer du théâtre une comédie qui devait mettre au grand jour les secrets et les turpitudes de leur métier; mais malgré sa pauvreté, il rejeta leurs offres, et sacrifia sa fortune au plaisir d'une vengeance légitime. Furieux de son refus, ils redoublèrent leurs intrigues, et il ne fallut rien moins qu'un ordre de Monseigneur, daté du 13 octobre 1708, et consigné sur le registre de la Comédie française, pour forcer les comédiens d'apprendre et de jouer « Turcaret ». Cette pièce fut enfin représentée le 14 janvier 1709, et malgré les efforts de la cabale, malgré les murmures des gens qui avaient cru s'y reconnaître, malgré le froid excessif qui obligea de fermer les spectacles, elle obtint la plus brillante réussite. L'auteur y avait joint une sorte de critique en forme de prologue et d'épilogue, dialoguée entre dom Cléophas et Asmodée, les deux principaux personnages du « Diable boiteux »; mais on la supprima dès la première reprise. Cette comédie est bien supérieure à toutes celles que Le Sage a imitées de l'espagnol, et son succès ne s'est jamais démenti. On a reproché à cet ouvrage de trop mauvaises moeurs; mais si la comédie doit peindre le vice et le présenter sous le point de vue ridicule, Le Sage a parfaitement atteint ce but. Ecrivain très moral, il n'a point eu le tort de rendre le vice séduisant, reproche mérité par quelques-uns de nos auteurs comiques. Tous les personnages de « Turcaret », excepté le marquis, sont plus ou moins fripons, mais aussi ils sont tous plus ou moins méprisables, et si, par ce motif, la pièce manque d'intérêt, défaut moins sensible dans la comédie que dans la tragédie; si l'action en est faible et presque nulle, ces défauts sont amplement rachetés par un grand nombre de scènes excellentes, par des peintures vraies, un dialogue vif et naturel, une gaieté piquante et satirique, par la finesse des détails, par une liberté, une force d'expressions qui décèlent l'homme de génie pénétré de son sujet, et par une verve comique qui étincelle à tel point qu'il y a peu de pièces dont la représentation soit plus amusante. Tous les incidents, tous les accessoires en sont heureux; chaque mot de Turcaret est un trait de caractère, chaque mot du marquis est une saillie. Ce rôle, supérieur à celui du « Retour imprévu » (de Regnard), est le meilleur modèle qu'il y ait au théâtre des libertins de bonne compagnie qui, suivant la mode de ce temps là, passaient leur vie au cabaret. Quoique cette comédie soit écrite en prose, elle est si fertile en bons mots qu'on en retient presque autant que des pièces les mieux versifiées. Enfin, su elle avait le mérite d'être en vers et qu'elle ne présentât pas plutôt une suite d'incidents très plaisants qu'une véritable intrigue, elle serait placée au premier rang de nos comédies; mais c'est du moins une des premières de la seconde classe. Nous terminerons cet éloge dont Laharpe nous a fourni plusieurs traits, par une observation qui lui a échappé : c'est que Le Sage a eu un avantage que n'a obtenu aucun auteur comique depuis Molière : sa leçon était si bonne qu'elle corrigea les financiers; ceux qui sont venus après lui ont mis tous leurs soins à ne pas ressembler au portrait qu'il avait tracé. Un mérite aussi rare donne lieu de regretter qu'il n'ait pas uniquement consacré ses talents au théâtre français. Il y avait fait recevoir en 1708 «  La Tontine  », petite comédie de circonstance, assez gaie, qui, pour ces raisons d'Etat ou par des intrigues de coulisse, ne put être jouée qu'en 1732, et ne fut alors pas aussi applaudie qu'elle l'aurait été dans le temps. Ce retard le dégoûta d'une carrière si épineuse. Dédaignant la faveur des grands, il n'était pas homme à mendier celle des comédiens; les railleries qu'il s'est permises contre eux dans tous ses écrits autorisent à croire qu'il eut à s'en plaindre. Il disait à cette occasion : « Je cherche à satisfaire le public; qu'il permettre aussi que je me satisfasse ». Vers le même temps, Le Sage travailla plus pour l'amitié que pour la gloire. François Pétis de la Croix , interprète des langues orientales, se méfiant de son talent pour écrire en français, emprunta la plume de son ami pour corriger le style de sa traduction des « Mille et un jours », qui parut en 1710 et les années suivantes. Le Sage profita des richesses qui lui furent confiées, et trouva bientôt l'occasion de mettre sur la scène plusieurs contes persans.

Gil Blas de Santillane et la controverse sur le plagiat

« Gil Blas de Santillane », qui parut en 1715, 2 vol. in-12, augmentés d'un 3° en 1724 et d'un 4° en 1735, mit enfin le sceau à sa réputation. On lui a contesté l'invention et la paternité de cet immortel roman; Bruxen de la Martinière et Voltaire après lui ont avancé que « Gil Blas » était entièrement tiré de l'espagnol; Voltaire assurait même que c'était une traduction de la « Vie de l'écuyer Obregon », par Vincent Espinel. Le P. Isla a prétendu aussi que « Gil Blas » est un ouvrage « volé à l'Espagne » par un Français. Dans son « Gil Blas », Le Sage s'est tellement identifié avec ses personnages, il a si bien pris la couleur locale, que l'Espagne s'y est reconnue, et que divers systèmes, diverses opinions ont été mis au jour pour lui disputer la paternité de ce chef-d'oeuvre. La diversité de ces systèmes, de ces opinions qui se contredisent tous, qui ne s'accordent en rien, et qui par conséquent se détruisent les uns par les autres, en démontre le faible échafaudage et la fausseté. François de Neufchâteau a lu à l'Académie française deux dissertations ayant pour but de défendre la nationalité française de « Gil Blas », et la paternité de Le Sage. La première, lue le 7 juillet 1818, et mise en tête de deux éditions de ce roman, 1819 et 1820, est intitulée « Examen de la question de savoir si Le Sage est l'auteur de Gil Blas, ou s'il l'a pris de l'espagnol ». L'auteur y réfuta d'abord les assertions injustes et erronées de Voltaire et de Brusen de La Martinière , qui ont avancé que Le Sage avait pris en entier son chef-d'oeuvre dans la « Relation de la vie de l'écuyer don Marc de Obregon », roman espagnol de Vincent Espinel, publié à Madrid, 1618, in-4°, et dont la 4° édition a paru aussi à Madrid, 1801, 2 vol. in-12, sans table de chapitres. Le Sage a emprunté quelques traits de ce roman pour son « Gil Blas », son « Estevanille » et son « Bachelier de Salamanque », mais il avait trop de goût pour en imiter les inconvenances et les grossièretés. L'assertion de Voltaire se trouve d'ailleurs anéantie par un autre système que François de Neufchâteau a combattu non moins victorieusement dans la même dissertation. Le P. Isla, jésuite espagnol, mort à Bologne en 1781 selon les uns, en 1783 selon les autres, est auteur de plusieurs ouvrages publiés de son vivant, et il a laissé une traduction espagnole du « Gil Blas » de Le Sage et d'une continuation donnée à ce roman par le chanoine Monti, à la suite d'une traduction italienne. Celle du P. Isla ne parut qu'en 1787, plusieurs années après la mort de l'auteur, et par conséquent sans sa participation. Ce n'est donc pas lui, mais un sot et avide éditeur qui, pour donner plus de vogue et de débit à la version espagnole, l'annonça, sur le titre et dans la préface, comme un ouvrage « volé à l'Espagne par Le Sage, et restitué à sa patrie et à sa langue naturelle par un espagnol zélé ». Llorente confirme cette opinion selon laquelle l'éditeur du P. Isla serait responsable de l'accusation de plagiat. Dans ses « Observations critiques sur le roman de Gil Blas », il cherche à prouver que « Gil Blas » n'est pas un ouvrage original, mais un démembrement des aventures du « Bachelier de Salamanque », manuscrit espagnol alors inédit, que Le Sage dépouilla de ses parties les plus précieuses pour son « Gil Blas », avant de publier le reste sous son titre primitif. Llorente ajoute, sans plus de fondement, que l'auteur espagnol est Antoine de Solis. Une réfutation de toutes ces accusations a été présentée dans l'édition des « Oeuvres de Lesage », publiée en 1821-1822 par A.-A Renouard, 12 vol. in-8°. Au surplus, il importe assez peu que Le Sage ait inventé le fond de son roman, ou qu'il en ait pris l'idée chez nos voisins, selon les uns, ou bien, suivant d'autres, dans notre ancien roman de « Francion »; ce qu'assurément il n'a dérobé à personne, c'est cette touche originale, cette admirable peinture des moeurs, ces caractères si bien tracés, cette foule de traits et de détails qui ne se trouvent avec la même profusion dans aucun autre ouvrage du même genre.

Eloge de Gil Blas de Santillane

« Gil Blas », dit Laharpe, est un chef-d'oeuvre : il est du petit nombre des romans qu'on relit toujours avec plaisir; c'est un tableau moral et animé de la vie humaine; toutes les conditions y paraissent pour recevoir ou pour donner une leçon... « Utile dulci » devrait être la devise de cet excellent livre, que la bonne plaisanterie assaisonne partout. Plusieurs traits ont passé en proverbe, comme par exemple : « les homélies de l'archevêque de Grenade ! » ... Quelle sanglante satire de l'inquisition ! .... Quelle peinture de l'audience d'un premier commis, de l'impertinence des comédiens, de la vanité d'un parvenu... du caractère des grands, des moeurs de leurs domestiques ! C'est l'école du monde. On reproche à l'auteur de n'avoir peint presque jamais que des fripons; qu'importe, si les portraits sont reconnaissables ?... On lui reproche trop de détails subalternes; mais il sont tous vrais, et aucun n'est indifférent ni minutieux... On connaît tous les personnages de « Gil Blas »; on croit avoir vécu avec eux... parce que, dans la peinture qu'il en fait, il n'y a pas un trait sans dessein et sans effet. Le Sage avait bien de l'esprit, mais il met tant de talent à se cacher derrière ses personnages qu'il faut avoir de bons yeux pour voir l'auteur dans l'ouvrage... Un autre avantage de « Gil Blas », c'est qu'il n'est pas comme tant de romans, guindé par une morale stoïque et désespérante, qui n'offre jamais de la vertu et de l'humanité qu'un modèle idéal que personne ne peut se flatter d'atteindre. L'auteur y peint les hommes tels qu'ils sont, capables de fautes et de repentirs, de faiblesses et de retour... » « Gil Blas » nous semble avoir un intérêt plus général, un but plus moral que « Don Quichotte ». Les Anglais en font le plus grand cas.

Les opéras-comiques et le théâtre de foire

Le ressentiment de Le Sage contre les comédiens français et surtout la nécessité de faire subsister sa famille, l'avaient jeté depuis quelques temps dans un genre dont il s'occupa durant vingt-six années de sa vie, et qu'il avait d'abord paru dédaigner, si l'on en juge par ce qu'il dit lui-même dans le prologue de Turcaret : il s'agit des spectacles des foires Saint-Germain et Saint-Laurent. C'est à tort que Palissot regarde Le Sage comme le créateur de l'opéra-comique, et que dans les deux éditions des oeuvres de ce dernier on met en problème si ce spectacle date de l'année 1712, où parurent la pièce « d'Arlequin empereur dans la lune », par Remy et Chaillot, et celle « d'Arlequin baron allemand », attribuée par Deshoulmiers, tantôt à Le Sage, Fuzelier et Dorneval, tantôt à Le Sage seul. Sans rechercher quel fut le véritable auteur de cette dernière pièce, et en supposant même qu'elle soit de Le Sage, il est certain qu'avant 1712 les spectacles forains avaient joué des parodies et des farces en vaudevilles, soit en monologue, soit « par écriteaux » : Desboumiers en cite quatorze, dont l'une (« Sancho Pança », opéra en trois actes, par Bellavaine, fut jouée dès 1705. Il est donc clair que l'établissement de l'opéra comique ne peut être attribué à Le Sage, dont le premier ouvrage non contesté pour les spectacles forains fut « Arlequin roi de Serendib », en 1713. Ce qui a pu induire en erreur, c'est que la collection qu'il a publiée sous le titre de « Théâtre de la foire », commence par les pièces qu'il a composées. Mais s'il n'a pas été l'inventeur de ce genre, on peut dire qu'il lui a donné la forme qui lui est propre et qu'il en a été l'un des auteurs les plus féconds. Le catalogue le plus complet de ses pièces se trouve dans la « Petite Bibliothèque des théâtres », et lui attribue cent un opéras comiques, prologues et divertissements, dont vingt quatre composés par lui seul, et les autres en société, avec Fuzelier, d'Orneval, Autreau, Lafont, Piron et Fromaget. La plupart eurent une vogue étonnante, et quelques-uns obtinrent l'honneur d'être joués au Palais-Royal devant le régent. La variété de ces compositions ne pouvait manquer d'attirer la foule : mythologie, féerie, travers de la société, anecdotes du jour, tout était mis à contribution. Aucune de ces pièces n'éprouva d'échec marqué; mais nous observons que les douze dernières, qui sont presque toutes de Le Sage seul, le doyen de ces hommes de lettres, furent accueillies peu favorablement, soit que le public commençât à s'ennuyer de ce genre de spectacle, soit que l'âge eut affaibli l'imagination et la gaieté de l'auteur. On ne doit pas seulement regretter le temps que Le Sage employa à ces productions éphémères; on doit encore déplorer la peine qu'il a prise de faire imprimer la collection intitulée : « Théâtre de la foire », qui comprend la plus grande partie de ces bluettes auxquelles il aurait dû attacher moins d'importance. Nous ne partageons pas néanmoins toute la rigueur du jugement qu'en porte Laharpe : seulement nous conviendrons avec lui qu'on n'y voit point de caractères; que malgré la diversité des sujets, la variété ne s'y fait point assez sentir dans le plan, dans la marche, dans les incidents; mais nous ne dirons pas qu'il n'y a ni plaisant ni naturel. Si ce plaisant dégénère quelquefois en trivialité, c'est la faute du genre, des personnages, du temps et du lieu; et du moins les couplets ne sont point défigurés par cette afféterie, ces madrigaux, ces calembours qui font tout le mérite de certains vaudevilles modernes. Au reste, le grand nombre d'opéras-comiques que Le Sage donnait aux spectacles forains ne l'empêchait pas de se livrer à d'autres compositions.

Guzman d'Alfarache, Le Bachelier de Salamanque et autres ouvrages

Il s'était proposé de traduire l'Arioste, et il crut devoir commencer par le « Bojardo »; car la lecture de « l'Orlando innamorato » est indispensable si l'on veut lire avec intérêt « l'Orlando furioso », qui en est la suite. Son « Roland l'amoureux », publié par livraisons en 1717-1720-21, forme 2 volumes in- 12. C 'est moins une version qu'une imitation agréable et soignée de l'original. Il en a fait disparaître le mauvais goût, les inconvenances et les exagérations, mais c'est un peu aux dépens du génie et de l'enthousiasme. Le Sage était trop penseur, trop observateur pour avoir l'imagination poétique. Il ne traduisit plus de poèmes, et revint aux romans. En 1732, il publia les « Aventures de Guzman d'Alfarache », 2 vol. in-12, imitation fort abrégée et très amusante de l'ouvrage de Matthieu Aleman. La même année, il mit au jour « les Aventures de Ribert, dit le chevalier de Beauchesne », 2 vol. in-12. Ce n'est point une fiction, mais l'histoire singulière d'un capitaine de flibustiers qui fut tué à Tours par des Anglais en 1731, rédigée d'après les mémoires fournis par la veuve. En 1734, il donna les deux premières parties de « l'Histoire d'Estevanille Gonzales, surnommé le Garçon de bonne humeur », 2 vol. in- 12. C 'est encore, de l'aveu de Le Sage, une imitation de l'espagnol, d'après la « Vie de l'écuyer Obregon », par Vincent Espinel, dont on a parlé ci-dessus; mais il n'en a pris que quelques traits, tels que l'aventure du nécromancien démasqué. Ce roman, modelé sur « Gil Blas », en rappelle parfois la gaieté, l'esprit et les situations; cependant il est moins varié, moins fortement dessiné, et les deux dernières parties sont fort inférieures aux précédentes. Le Sage, en vieillissant, paraissait néanmoins redoubler d'ardeur et de fécondité. En 1735, il publia « Une journée des Parques », in-12, dialogue plein de sel, de philosophie, de pensées fortes et hardies, rendues avec une vigueur étonnante. La même année, il compléta « Gil Blas ». Il fit aussi représenter, au Théâtre-Italien, le 21 novembre, et devant la cour le 26 du même mois, « Les Amants jaloux », comédie en trois actes et en prose, imprimée en 1736, in-12. Cette pièce eut peu de succès; on en trouva, dit d'Origny, l'intrigue trop compliquée, l'action confuse, les scènes trop peu filées, les motifs trop peu développés, et (ce qu'il y a de plus étonnant), le dialogue trop serré, le style trop concis. Nous n'y avons rien vu qui puisse justifier cette espèce d'éloge ou qui nous ait paru digne de l'auteur de « Turcaret ». Il l'a désavouée indirectement en ne l'insérant pas dans son « Théâtre »; et si elle est réellement de lui, on est fâché que l'anonyme ait été levé après sa mort par les frères Parfaict. En 1736 et 1738, Le Sage fit jouer ses quatre derniers opéras-comiques, et donna « Le Bachelier de Salamanque », 2 vol. in-12., regardé par Laharpe comme le plus médiocre de tous ses romans. En accordant qu'il est plus pauvre d'invention, nous ne convenons pas qu'il roule « tout entier » sur les désagréments du métier d'instituteur : cette matière en fait à peine la cinquième partie. Moins plaisant, moins épisodique (et en cela plus intéressant peut-être) que les autres romans de Le Sage, celui-ci se distingue par une teinte plus sombre et plus mélancolique; on y reconnaît d'ailleurs cette marche simple, ce style dégagé de sentences, et de prétentions qui caractérisent l'auteur. On a dit, et nous croyons sans peine, que Le Sage avait une prédilection marquée pour cet ouvrage, le dernier de ses romans et le fruit de sa vieillesse. Il en a pris aussi quelques idées dans les inépuisables « Relations de l'écuyer Obregon ». En cessant de composer des romans et des pièces de théâtre il ne renonça pas à écrire, mais il s'exerça dans un genre plus facile et plus proportionné à ses forces. En 1740, il publia, sous le voile de l'anonyme, «  La Valise trouée », 1 volume in-12, où, dans un cadre assez simple, il a renfermé une trentaine de lettres qu'il suppose écrites par divers personnages sur différents sujets satiriques; ce sont autant d'esquisses ou d'extraits d'un roman de caractère. Enfin, en 1743, il donna un « Mélange amusant de saillies d'esprit et de traits historiques des plus frappants », 1 vol. in-12. La plupart de ces anecdotes, alors nouvelles ou peu connues, n'ont rien de piquant aujourd'hui.

Le mode de vie de Le Sage jusqu'à sa mort

Le Sage travaillait beaucoup et soignait tous ses ouvrages. Des moeurs pures, le goût de l'étude, de vrais amis, une femme qui, remplie d'attentions pour lui et de tendresse pour ses enfants, le secondait dans leur éducation; enfin, toutes les jouissances que procurent la littérature et la paix d'un bon ménage : telle fut longtemps la vie de cet auteur; mais sa vieillesse ne fut pas exempte de chagrins. Il avait eu trois fils et une fille : quand il fallut songer à les établir, l'aîné, qu'il destinait au barreau et qui avait même plaidé quelques causes avec succès, se fit comédien, et se rendit célèbre dans la suite sous le nom de « Montménil ». Le troisième choisit la même profession; c'était celle pour laquelle Le Sage avait le plus d'aversion. Il fut dédommagé de ces contrariétés par la tendresse constante de sa fille, et par la conduite exemplaire du second de ses fils, qui, ayant embrassé l'état ecclésiastique, avait obtenu un canonicat à Boulogne-sur-Mer. Le Sage avait cessé de voir Montménil; mais lorsque cet auteur eut acquis de la réputation, il le reçut en grâce, soit que leur réconciliation se fût opérée à Boulogne par l'effet d'une ingénieuse et touchante médiation du chanoine Le Sage, soit que des amis communs ayant entraîné le vieillard au Théâtre-Français, il y vit son fils dans « Turcaret », l'applaudit en pleurant de joie, l'embrassa et lui rendit toute son affection. Ce qu'il y a de sûr, c'est que Montménil devint le plus intime ami de son père. Lorsque cet acteur était au théâtre, Le Sage allait passer la soirée dans un café de la rue Saint-Jacques, voisin de sa demeure. On y faisait cercle autour de lui, on montait sur les chaises, sur les tables pour l'écouter et pour applaudir la justesse, la clarté, la variété de son élocution, relevée par un organe sonore. La mort de ce fils chéri, l'espoir, le soutien de sa vieillesse, fut pour lui un coup de foudre. Sur la fin de 1743, il se retira à Boulogne, avec sa femme et sa fille, auprès de son fils le chanoine, dont les soins délicats adoucirent l'amertume d'une perte si cruelle. Il y passa ses dernières années dans un état d'affaissement assez triste. Le cours du soleil influait singulièrement sur les organes de ce vieillard : il s'animait par degrés à mesure que cet astre approchait du méridien, et il semblait alors avoir conservé la gaieté, l'urbanité de ses beaux ans et la vivacité de son imagination; mais au déclin du jour, l'activité de son esprit et de ses sens diminuait graduellement, et il tombait bientôt dans une sorte de léthargie qui durait jusqu'au lendemain. Il mourut octogénaire à Boulogne le 17 novembre 1747. Le comte de Tressan, qui commandait alors dans le Boulonnais, se fit un devoir d'assister avec tout son état-major aux obsèques de Le Sage; et par l'éclat de cette pompe funèbre, il rendit un hommage public à la mémoire de l'un des meilleurs écrivains dont la France s'honore. Sa veuve lui survécut peu et mourut au même âge que lui le 7 avril 1752. Le Sage avait eu dès sa jeunesse des symptômes de surdité. On voit dans le prologue de « Turcaret » qu'à cette époque il n'entendait déjà que très difficilement. Il devint bientôt tellement sourd qu'il faisait usage d'un cornet acoustique. Cette infirmité fut, dit-on, la principale cause qui l'empêcha d'être reçu à l'Académie française, quoiqu'il y eût plus de titres que la plupart de ceux qui en faisaient alors partie. L'un d'eux, Danchet, plus recommandable par ses qualités sociales que par ses écrits, sollicita souvent son vieil ami de se mettre sur les rangs; mais la franchise et l'indépendance du caractère de Le Sage ne pouvaient se plier à des démarches d'étiquette auprès de certains personnages dont il avait tracé des portraits satiriques trop ressemblants. Quoiqu'il joignit aux vertus domestiques la plus sévère probité, la douceur de son commerce n'excitait point en lui cette causticité d'esprit qui perce dans tous ses ouvrages et qui dut lui attirer des détracteurs et des ennemis.

Jugements de Voltaire et autre critiques sur les ouvres de Le Sage

Voltaire a été sobre d'éloges envers Le Sage; il ne parle (« Siècle de Louis XIV ») que de son « Gil Blas », dont il loue le naturel. Cette réticence n'étonnera pas, si l'on se rappelle combien était irascible le philosophe de Ferney. L'auteur de « Gil Blas », à qui aucun travers ne pouvait échapper, s'était permis dans le « Temple de Mémoire », l'un de ses opéras comiques, de ridiculiser les admirateurs outrés d'un poète qui n'était alors connu que par les tragédies « d'Oedipe », « d'Artémire » et de «Marianne », et par le poème de « La ligne », faible et première esquisse de «  La Henriade  ». Les sarcasmes de Le Sage contre les comédiens lui valurent une épigramme de l'acteur Legrand; et Piron, l'un de ses rivaux aux spectacles forains, décocha quelques traits satiriques contre lui. On ne peut s'empêcher d'estimer Le Sage en lisant ses écrits, où la langue et les moeurs sont également respectées. De ce que dans ses romans et dans ses comédies il n'a presque jamais mis en scène que des fripons, on aurait tort de concevoir une idée peu avantageuse de ses principes. Rien ne prouve mieux au contraire combien il était véritablement honnête homme, car, pour s'indigner des vices de la société et pour en retracer énergiquement le tableau, il faut posséder les vertus qui leur sont diamétralement opposées. C'est pour cela que Molière a si bien peint les avares et les hypocrites. Le Sage eut avec ce grand homme un autre trait de ressemblance : comme chez lui, ses talents ne se développèrent que dans l'âge mûr et s'accrurent avec les années. Il avait environ quarante ans lorsqu'il donna « Crispin rival », « le Diable boiteux » et « Turcaret »; il en avait quarante sept quand il publia « Gil Blas », qu'il termina à soixante-sept ans; preuve que pour composer des comédies et des romans de caractère, genres qui ont entre eux une parfaite analogie, il faut moins d'esprit et d'imagination qu'une grande habitude, qui ne s'acquiert que par l'expérience, est rarement le partage de la jeunesse. L'écriture de Le Sage était aussi soignée que son style. Malgré la supériorité de ses talents et le succès de ses nombreux ouvrages, l'auteur de « Gil Blas » ne parvint jamais à la fortune. Il assure qu'il avait refusé des postes où d'autres moins scrupuleux que lui se seraient enrichis. Indifférent sur l'avenir, il fut toujours bienfaisant et libéral au sein de la médiocrité, et ne laissa d'autre héritage à ses enfants que l'exemple de ses vertus et la renommée de ses travaux.

Les différentes éditions des ouvres de Le Sage

Outre les éditions qu'il a données de ses ouvrages, il publia, avec d'Orneval, la collection intitulée : « Théâtre de la foire », 9 volumes in-12, dont nous avons fait mention. Les trois premiers volumes parurent en 1721, le quatrième et le cinquième en 1724, le sixième en 1731 et les trois derniers en 1737. Un autre neuvième volume, imprimé en 1734 et qui forme le dixième de cette édition, a été donné par Carolet et ne contient que des pièces de sa composition. En 1737, Le Sage en publia une nouvelle édition en 8 volumes in-12, dans laquelle il n'a pas compris les pièces de Carolet. En 1789, il fit imprimer son « Théâtre français », 2 vol. in-12, réimprimé en 1774. Des sept comédies qu'on y trouve, deux seulement, « Turcaret » et « Crispin rival de son maître » ont été insérées dans la « Petite bibliothèque des théâtres » et dans le « Répertoire du Théâtre-Français ».Quant aux romans de Le Sage, ils ont été très souvent réimprimés, surtout « Le Diable boiteux ». « Gil Blas » et « Le Bachelier de Salamanque ». Mais « Gil Blas » est le seul qui ait obtenu l'honneur de l'être avec le plus de luxe et de soin. Les meilleures éditions de ce roman étaient celles de Didot jeune, Paris, 1794, 4 vol. in-8°, fig. et 1801, 8 vol. in-18, fig., avant que Didot l'aîné eût donné l'édition qu'il a publiée, Paris, 1819, 3 vol. in-8°, faisant partie de sa Collection des auteurs classiques français. Cette édition, conforme à celle de 1747, qui avait été corrigée par l'auteur, est précédée du Mémoire de François de Neufchâteau dont nous avons rendu compte ci-dessus et qui est intitulé : « Examen de la question de savoir si Le Sage est auteur de Gil Blas ou s'il l'a pris de l'espagnol. » Ce littérateur distingué a, de plus, noté en marge et au bas des pages d'un exemplaire de « Gil Blas » plusieurs allusions qu'il avait recueillies dans ses entretiens avec le conte de Tressan, son compatriote, qui les tenait de la bouche même de Le Sage. Ces notes, extrêmement curieuses, peuvent servir de commentaire et de clef pour expliquer diverses anecdotes de cet excellent roman et pour en faire connaître quelques personnages sous leurs véritables noms. Une édition de « Gil Blas » a été donnée avec des notes historiques et littéraires par François de Neufchâteau, Paris, 1844, in-18. Les divers romans de Le Sage, son « Gil Blas » surtout, ont été réimprimés de nombreuses fois sans qu'il y ait lieu de signaler ces éditions, dont plusieurs sont illustrées, mais ne présentent aucune particularité digne d'intérêt. Plusieurs des romans de Le Sage ont été traduits en différentes langues de l'Europe. L'Italie possède deux traductions de « Gil Blas » : la première a eu six éditions à Venise depuis 1740 jusqu'en 1767, 6 vol. in-12, et a été réimprimée à Rome en 1788, 6 vol. in-8°, fig. Le chanoine Monti, qui en est l'auteur, a fait des suppressions à l'original, auquel il a ajouté une suite qui forme ses deux derniers volumes. La seconde traduction, plus littérale, est du docteur Crocchi de Sinne, Cotte Ameno, 1773, 4 vol. in-8°, et Londres, 1806. M . Smollett en a donné une en anglais, dont la cinquième édition est de 1782, 4 vol. in-12, fig. Les Allemands et les Hollandais ont aussi des traductions de « Gil Blas ». Celle que le P. Isla a publiée en espagnol est intitulée : « Les Aventures de Gil Blas de Santillane, volées à l'Espagne et adoptées en France par M. Le Sage, restituées à leur langue maternelle par un Espagnol zélé qui ne souffre pas qu'on se moque de sa nation », Madrid, 1787, 4 vol. petit in-4°, et 1805, 5 vol. in-12. « Gil Blas » a donné lieu à plusieurs imitations et copies, tant en France que dans les pays étrangers; mais aucune n'approche de l'original. On a deux « Gil Blas » allemands : l'un par M. Hertzberg sous ce titre : « Le Nouveau Gil Blas, ou Mémoires d'un homme qui a passé par les épreuves les plus dures de la vertu », traduit en français par C.-H. Nirel, Francfort, 1778, 2 parties, 1 vol. in-12; réimprimé à Lille. Le second est intitulé : « Le Gil Blas allemand, ou Aventures de Pierre Claus », par le baron de Kniegge; traduction française, Paris, 1789, 3 vol. in-12. Il y a aussi le « Gil Blas » anglais, ou « Hugues Trevor », par Thomas Holcroit, traduit en français, Paris, 1798, 4 vol. in-12. On a publié à Amsterdam «  La Vie de don Alphonse Blas de Lirias, fils de Gil Blas de Santillane », 1754, in-12; traduite en italien, Venise, 1759, in-12, et réimprimée en 1802 sous le titre de « Suite de Gil Blas, ou Mémoires de don Alphonse, etc., ouvrage posthume de Le Sage ». Enfin on a donné « Les Trois Gil Blas ». La plus grande partie des ouvrages de cet auteur a été recueillie sous le titre « d'Oeuvres choisies de Le Sage », Paris, 1783, 15 vol., in-8°, fig., et 1810, 16 vol. in-8° fig. Cette seconde édition, plus ample que la précédente, contient de plus un catalogue des pièces qu'il a données aux théâtres de la foire, un abrégé de l'histoire de ces spectacles, « Le Traître puni », « Don Felix de Mendoce », et « Don César Ursin », comédies traduites de l'espagnol, «  La Valise trouée », et « Le Mélange amusant de saillies et de traits historiques ». Mais on ne trouve dans aucune des deux éditions les « Nouvelle Aventures de don Quichotte », ni la comédie des « Amants jaloux ». La plupart des préfaces qui précédaient les éditions données par l'auteur y ont été supprimées : tout ordre chronologique dans l'arrangement des ouvrages a été interverti; et outre un grand nombre d'erreurs dans la Notice historique sur Le Sage, nous avons cru reconnaître que ces deux éditions n'ont été faites que d'après des réimpressions. On y a inséré cinquante de ses opéras comiques, choisis parmi les soixante douze que contient le « Théâtre de la foire ». Deux, imprimés en 1712 et devenus rares, n'ont été compris dans aucune collection, et vingt-sept n'ont jamais été publiée. De ces derniers, s'il faut en croire les éditeurs de la « Petite Bibliothèque des théâtres », quinze doivent se trouver dans un manuscrit in-4° de la bibliothèque de Paris, intitulé : « Pièces de Théâtre de la foire qui n'ont point été imprimées », par MM. Le Sage et d'Orneval, avec cette épigraphe ; « In memoriam carissimi amici d'Orneval, de Chasseloup scripsit, 1731, à Paris. Ce manuscrit doit contenir aussi « Arlequin prologue », suivi de « l'Arbitre des différends », comédie en trois actes, en prose, représentés l'un et l'autre sur le Théâtre-Italien en 1725; mais nous n'avons pu le découvrir au cabinet des manuscrits de la bibliothèque de Paris. Enfin, nous signalerons une édition des « Oeuvres de Le Sage », Paris, 1838, in-8°, précédée d'une notice biographique et littéraire par M. Prosper Poitevin, et contenant « Le Diable boiteux, Gil Blas, Le Bachelier de Salamanque, Guzman d'Alfarache », et deux pièces de théâtre : « Crispin rival de son maître » et « Turcaret ». Une lettre autographe et inédite de cet auteur, datée du 18 juin 1715, nous apprend qu'il s'occupa d'écrire des mémoires d'une femme nommée Petit, que ses aventures et ses voyages avaient rendue fameuse; mais par égard pour des hommes puissants, ces mémoires ne furent pas publiés.

 

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